LE RÊVE : A quoi sert-il ? Et comment l’interpréter ?

Par Christophe BARONI, analyste

© 1997 & 2006 by Christophe Baroni, ch. d’Eysins 42, 1260 Nyon, Suisse
Reproduction interdite. Brefs extraits (max. 12 lignes) autorisés si la source Web est citée.


A) Le rêve, phénomène vital
 
Bien distinguer trois états différents : l’éveil, le sommeil «orthodoxe» et le sommeil «paradoxal» (c’est durant le sommeil «paradoxal» que se produisent les rêves). Le sommeil «paradoxal» est apparu tardivement au cours de l’évolution des espèces, et cela chez les animaux homéothermes (dont la température est à peu près constante), comme les oiseaux et les mammifères.
 
Dans notre espèce humaine, le sommeil se compose chez l’adulte «normal» de 80% de sommeil «orthodoxe» et de 20% de sommeil «paradoxal» (50% chez le bébé) : ce sommeil « paradoxal» est constitué, au cours d’une nuit, de 4, 5 ou 6 phases de rêves, caractérisées par des mouvements rapides des yeux, une chute du tonus musculaire et… l’érection du pénis ou du clitoris (cela permet de distinguer les impuissances physiologiques, où il n’y a pas d’érections durant le sommeil «paradoxal», des impuissances psychologiques, où ces érections se produisent durant le sommeil «paradoxal».
 
Nous rêvons tous, les électroencéphalogrammes le prouvent (mais, surtout quand les horaires de travail nous obligent à nous arracher brutalement aux bras de Morphée, nous oublions la plupart de nos rêves, et de toute façon ceux dont nous gardons un souvenir vague ou précis sont en général ceux qui précèdent de peu le réveil).
 
Des stimuli externes (bruit, faisceau de lumière, odeur, sensation tactile…) peuvent modifier le cours d’un rêve. D’autre part, le rêve amplifie nos sensations internes.
 
La privation de rêve provoque une tendance à rattraper la «dette onirique» (en grec, onar = rêve) : allongement et/ou multiplication des phases de sommeil paradoxal. Des expériences de laboratoire sur des animaux ont prouvé que la privation de rêve peut conduire (même sans privation de sommeil orthodoxe) assez rapidement à la mort. Chez l’être humain, on a constaté, lors des expériences (qui évidemment n’ont pas été poussées jusqu’à la mort), de l’irritabilité et de l’anxiété après quelques nuits de privation de rêve, puis une modification du caractère pouvant aller dans deux sens opposés : soit une accentuation (aggravation) des traits de caractère (un être méfiant pourra ainsi être en proie à un véritable délire de persécution, qui disparaîtra quand on l’aura laissé récupérer le sommeil «paradoxal» dont il a été frustré expérimentalement) ; soit au contraire un tête-à-queue de la personnalité (un être inhibé peut ainsi devenir impulsif et se mettre à faire… ce dont il rêvait secrètement).
 
Indépendamment de l’interprétation proprement dite, Freud voyait dans le rêve un «gardien du sommeil» : le rêve serait un compromis entre la tendance à dormir (tendance troublée) et un désir exigeant satisfaction (tendance perturbatrice) et défendrait le sommeil contre les excitations (soit externes, soit psychiques) qui tendent à le troubler.
 
Suite aux recherches scientifiques les plus récentes ,la fonction essentielle du rêve semble cependant être d’un autre ordre : les phases de sommeil «paradoxal» (où se produisent les rêves) seraient les instants privilégiés où s’effectue une reprogrammation du système nerveux central. Liée à notre vécu, au fur et à mesure des modifications survenant au cours de notre développement, cette reprogrammation périodique offre des possibilités d’adaptation plus larges qu’une programmation génétique au sens strict. Durant les rêves, le cerveau est créatif. L’avenir s’y prépare. (Cf. le chapitre «Rêve et créativité», dans mon livre «L’éveil de l’esprit», 1997).
 
Quant à l’insomnie, distinguons le cas de ceux qui ont de la peine à s’endormir (l’anxiété est une cause classique) et le cas de ceux qui se réveillent en pleine nuit (c’est souvent un signe de dépression, «masquée» ou non).
 
 
B) Le rêve, «voie royale qui mène à la connaissance de l’inconscient»
 
« L’interprétation des rêves, écrit Freud, est la voie royale qui mène à la connaissance de l’inconscient.» C’est là une phrase que C.G. Jung aurait pu écrire lui aussi, même après avoir rompu avec la psychanalyse freudienne.
 
Selon FREUD, le rêve est la satisfaction hallucinatoire d’un désir. Chez l’enfant de moins de 4 ou 5 ans, et aussi chez l’adulte lorsqu’il s’agit d’impérieux besoins organiques (faim, soif, besoin d’uriner ou de déféquer, besoin sexuel intense…), le désir s’exprime sans déguisement. Mais la plupart des rêves, à partir de cet âge de 4 ou 5 ans, sont déformés par la censure, affirme Freud. En effet, dans le sommeil, le Moi, plus libre d’agir selon son égoïsme «sans bornes et sans scrupules», cède notamment aux désirs sexuels plus ou moins refoulés à l’état de veille ; il choisit donc de préférence les objets défendus – par exemple extra-conjugaux, voire incestueux…
 
FREUD distingue le contenu manifeste (le récit du rêve) et le contenu latent (l’ensemble de significations auquel aboutit l’analyse du rêve). Le «travail » ou «élaboration» du rêve est l’ensemble des opérations («condensation», «déplacement», «prise en considération de la figurabilité» et «élaboration secondaire ou prise en considération de l’intelligibilité») qui transforment les matériaux du rêve (stimuli corporels, restes diurnes, pensées du rêve) en rêve manifeste. Il en résulte une déformation. L’interprétation, elle, suit le chemin inverse, et le psychanalyste freudien cherche à remonter, grâce aux «libres associations», aux désirs inconscients d’origine infantile : «Par le rêve, écrit Freud, c’est l’enfant qui continue à vivre dans l’homme.»
 
C.G. JUNG estime anthropomorphique la théorie freudienne du déguisement et pense qu’un rêve est ce qu’il est, qu’il constitue donc sa propre interprétation. Jung insiste sur la fonction compensatrice du rêve (compensatrice de «l’unilatéralité du conscient»). Ainsi s’expliquent nombre de rêves d’avertissement (cf. «Trois rêves d’un ambitieux», dans ma revue «Ouverture», en 1987 – pour obtenir ce numéro, m’envoyer 3 timbres de 1 fr. suisse non collés ou 3 coupons-réponses internationaux, avec votre adresse bien lisible).
 
« Autoreprésentation, spontanée et symbolique, de la situation actuelle de l’inconscient», le rêve nous permet de faire le point, et JUNG nous invite à nous mettre à son écoute lorsqu’un conflit psychique est insoluble pour la raison, pour le conscient : le rêve nous montrera alors la voie vers la synthèse, c’est-à-dire vers la solution. Le rêve nous sert ainsi de guide dans le «processus d’individuation», processus de maturation qui tend vers la «Totalité» psychique.
 
 
C) Si vous voulez essayer d’interpréter vos rêves…

 
Surtout n’ouvrez pas une «clé des songes» ou un «dictionnaire des symboles», car c’est vous seul qui détenez les clés de vos rêves ! La méthode exposée ci-dessous vous aidera à faire émerger tôt ou tard la signification ou les significations de vos rêves ou, mieux, de vos séries de rêves.
 
Ne vous fiez pas trop à votre «intuition» ! Toujours précieuse, et même indispensable, dès qu’il s’agit de comprendre la vie, comme l’a bien montré le philosophe Bergson, elle peut, quand l’inconscient est en jeu, nous jouer des tours : par exemple nous faire découvrir des aspects intéressants, voire importants du rêve, mais pour mieux occulter ce qui est vraiment significatif. Comme ces gens qui avouent «tout», sauf… ce qui les gêne vraiment. En toute bonne foi, «l’intuition» peut nous faire voir en nous-même mille et une choses pour détourner notre attention de ce qui devrait «crever les yeux» (expression dont l’étrange ambiguïté est significative).
 
Comment procéder pour déjouer ces faux-fuyants, parfois subtils ? Notez, sans parti pris et sans rien censurer, toutes les idées ou images qui vous viennent à l’esprit à propos de chaque élément du rêve : même celles qui vous paraissent futiles, grotesques, saugrenues, ou sans aucun rapport avec votre rêve ou avec votre vie, et naturellement aussi (même surtout !) celles qui vous choquent ou vous gênent.

Aussi est-il préférable de ne jamais laisser à la merci de regards curieux le dossier de vos rêves. Il n’est que pour vous… et votre analyste si vous en avez un. Vos proches ne doivent pas y avoir accès. Je vous déconseille formellement de le donner à lire à votre partenaire en amour : votre couple pourrait n’y pas survivre. Vous voilà, toutes et tous, dûment avertis.

Pratiquement, je vous suggère d’utiliser une feuille de format A4. Réservez la moitié gauche au récit du rêve, dont vous pouvez numéroter en chiffres romains les diverses séquences, et la moitié droite aux associations d’idées, que vous pourrez relier aux divers éléments du rêve au moyen de signes ou de numéros en chiffres arabes. N’écrivez rien au verso de la feuille : cela vous empêcherait d’avoir tout sous les yeux en même temps. Si nécessaire, utilisez une deuxième feuille, une troisième…

En laissant ainsi venir, non censurées, les idées et images qui spontanément surgissent, on applique à l’analyse de ses propres rêves la «règle fondamentale» de toute psychanalyse (au sens strict de ce dernier terme, c’est-à-dire selon la technique de Freud) : l’analysé (depuis Lacan appelé «l’analysant») est invité à dire ce qu’il pense et ressent, sans rien choisir ni rien omettre de ce qui lui vient à l’esprit, même si cela lui paraît désagréable à communiquer, ridicule, dénué d’intérêt ou hors de propos. On peut formuler des réserves sur la doctrine de Freud – et cela d’autant plus que, depuis son époque, non seulement la science a beaucoup progressé, mais notre société beaucoup changé. Mais sa technique d’interprétation reste seule garante d’objectivité.

En procédant de la sorte avec tel ou tel de vos rêves ou, mieux, avec une série de rêves, vous allez voir surgir un ensemble de pensées, d’images et de réminiscences où vous reconnaîtrez certains aspects de votre vie intime. Dans cette sorte d’écheveau de pensées qui se sera révélé à vous par l’analyse, vous pourrez, en serrant plus étroitement les fils, découvrir qu’ils aboutissent tous à un nœud unique : cette image est de Freud, et il précise que n’importe quel rêve se réduit ainsi, en fin de compte, à ces mêmes éléments, «difficilement communicables» parce que trop intimes.

© 1997 & 2006 Christophe BARONI, analyste à Nyon, Suisse

Pour en savoir plus :

Livre L 15, LE RÊVE EN PSYCHOTHÉRAPIE (10 CHF ou euros, 3 ex. 20.-)

CD audio 5, « Conseils aux insomniaques + L’interprétation des rêves » (20 CHF ou euros ; 3 ex. 40.-).
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